• Le NPA, le foulard et l’émancipation : avec Ilham Moussaïd

     

     

    Le NPA Vaucluse, en présentant Ilham Moussaïd en quatrième position de ses candidats aux élections régionales en PACA, a orienté opportunément la radicalité politique dans le sens du pragmatisme et du souci de l'individualité, sans pour autant contrevenir à une orientation laïque et féministe. On est bien loin du brouhaha électoraliste et manichéen qui a accueilli cet événement du côté des gauches bien pensantes (PS, PCF, PG...)...

     

     

     

    Les médias se sont déchaînés, ainsi que les représentants des principaux partis, à l'extrême-droite, à droite, à gauche et dans la gauche de la gauche. Dans la réaction du Mouvement Ni Putes Ni Soumises (« Le voile de Besancenot - Le NPA scelle le mariage islamo-gauchiste », 5 février 2010) transparaît même une des formes de raisonnement les plus pauvres intellectuellement et politiquement : la figure conspirationniste du complot « islamo-gauchiste » (voir mon texte « "Le complot" ou les aventures tragi-comiques de "la critique" », Mediapart, 19 juin 2009) ! Et cette association pousse le ridicule jusqu'à envisager de porter plainte contre la liste du NPA... Des turbulences ont également gagné le NPA en interne.

     

     

     

    Pourquoi ? Ilham Moussaïd, trésorière du NPA dans le Vaucluse, se définissant comme « anticapitaliste, féministe, laïque, antiraciste et internationaliste », est croyante et porte un foulard islamique comme signe de cette croyance, privée mais publiquement visible. Martine Aubry, Aurélie Filippetti et Lionel Jospin, pour le PS, Marie-Georges Buffet et Pierre Laurent, pour le PCF, comme Jean-Luc Mélenchon, pour le Parti de Gauche, ont-ils raison de s'inquiéter pour l'avenir de l'émancipation ou ont-ils fait preuve d'un électoralisme flirtant avec des passions troubles traversant la société française ? Je crains que le deuxième terme de l'alternative ne soit le plus proche de la vérité. Ce qui me rend dubitatif quant à l'avenir de ces gauches.

     

     

     

    Laïcité : des chrétiens de gauche des années 1970 à Ilham Moussaïd

     

     

     

    En quoi la laïcité, en tant notamment que nécessaire séparation entre les pouvoirs politiques et les pouvoirs religieux, est-elle mise en danger ? On confond ici souvent la laïcité (qui fait partie des « Principes fondateurs » du NPA), en tant que garantissant au contraire la diversité des croyances et incroyances, et l'athéisme (qui ne fait pas partie des « Principes fondateurs » du NPA). Jean Baubérot, titulaire de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, a bien mis en évidence la possibilité d'une laïcité, ouverte et interculturelle (voir son blog et la vidéo de sa conférence à l'Université Populaire de Nîmes, le 12 décembre 2008 sur « Vers une laïcité interculturelle »), à l'écart des raidissements laïcards.

     

     

     

    La croyance d'Ilham Moussaïd est visible, mais reste une affaire privée, comme un des attributs de sa personnalité bigarrée. Elle ne fait pas l'objet d'un prosélytisme religieux dans l'espace politique.

     

     

     

    Et si nos socialistes et communistes aujourd'hui courroucés se rappelaient de la belle aventure des « chrétiens de gauche » dans les années 1970, qui a accompagné la montée de l'Union de la gauche ? Le passage du « christianisme social » (qui était encore celui de l'Abbé Pierre, député en soutane du MRP, puis dissident, en 1946-1951) aux « chrétiens de gauche » avait justement à voir avec l'incorporation des valeurs de la laïcité, du féminisme et de l'anticapitalisme parmi ces croyants, dans le choc de l'après-1968. La croyance de ces militants (dans le PSU, au PS, au PCF ou hors de ces partis) était visible publiquement, mais sans que cela ne remette en cause la séparation des églises et de l'État. Elle était même visible dans les campagnes électorales. C'est notamment ce qui a contribué à faire de la Bretagne une terre enracinée électoralement à gauche. Par exemple, lorsqu'en 1983, j'ai été élu jeune conseiller municipal dans la municipalité d'Union de la gauche de Floirac dans la banlieue populaire de Bordeaux, il y avait sur notre liste des socialistes, des communistes et des « personnalités locales », dont un « chrétien de gauche » estampillé publiquement comme tel.

     

     

     

    Est-ce qu'associé à la revendication légitime de laïcité, il n'y a pas alors aujourd'hui un rapport plus trouble à un islam diabolisé et discriminé ?

     

     

     

    Féminisme : de la pluralité des usages du foulard et des conditions de l'émancipation

     

     

     

    Ilham Moussaïd se déclare « féministe », d'autres militantes féministes l'associent à un symbole uniforme d'oppression des femmes. Peut-on tenter de clarifier le problème sans manichéisme ?

     

     

     

    Il faudrait peut-être ici faire droit à des ressources philosophiques et sociologiques nous éloignant d'une tendance générale à essentialiser les débats politiques. Ainsi, contre les approches en termes de « substances » ou d'« essences », c'est-à-dire partant d'entités supposées homogènes, intemporelles et fixes, le philosophe Ludwig Wittgenstein a mis en avant dans sa « seconde philosophie », la diversité des usages du langage en fonction des contextes. Les sciences sociales contemporaines, quant à elles, sont fréquemment amenées à insister sur la pluralité des pratiques, dans les divers domaines de la vie sociale, ne rentrant guère dans de telles « essences ».

     

     

     

    On pourrait ainsi acter : 1) que les origines religieuses du foulard portent une tendance principale à la discrimination sexiste ; 2) que l'obligation de porter le foulard dans certains pays de culture musulmane reconduit cette tendance ; 3) que certains usages du foulard en France font de même ; mais 4) que cela n'englobe pas la diversité des rapports au foulard dans notre pays. C'est en tout cas ce que montrent les enquêtes sociologiques existantes (voir en particulier la synthèse, qui n'a rien d'« islamo-gauchiste », de Françoise Gaspard et Farhad Khosrokhavar, Le foulard et la République, La Découverte, 1995). Le rapport féministe, laïc et anticapitaliste au foulard d'Ilham Moussaïd s'inscrit dans cette galaxie plurielle d'usages du foulard islamique.

     

     

     

    Mais ces usages contemporains du foulard, revendiquant une rupture avec l'oppression des femmes, ne restent-ils pas marqués par un inconscient historique discriminatoire, non présent à la conscience de celles qui le portent aujourd'hui ? Ce n'est pas impossible, mais comme certaines de nos pratiques d'homme et de femmes ²de gauche peuvent restées travaillées inconsciemment par des bouts de machisme, de racisme, d'arrogance coloniale, d'homophobie ou de racisme de classe (de mépris du populaire si présent dans les classes moyennes et supérieures de gauche dans les discours « anti-beaufs », « anti-Bidochon », « anti-Deschiens »...).

     

     

     

    Face à ces adhérences du « vieux monde » en nous, la tentation de la stratégie léniniste (en gros : « je dois t'apporter de l'extérieur la vérité sur ta condition d'opprimé, car tu es trop complètement aliéné pour t'émanciper toi-même »), qui semble hanter certaines interventions féministes dans le débat, n'est-elle pas contraire à la perspective même de l'émancipation ? Car a-t-on alors affaire à un processus d'émancipation d'opprimé-e-s ou prétend-on plutôt les émanciper de l'extérieur ? Quid alors de « l'émancipation des opprimés sera l'œuvre des opprimés eux-mêmes », c'est-à-dire de la composante d'auto-émancipation ? Et qui garantit que les fameux émancipateurs des autres ne sont pas également travaillés par des adhérences inconscientes de stéréotypes dominants ?

     

     

     

    La logique de l'émancipation individuelle et collective, si elle suppose la participation des opprimé-e-s à leur propre émancipation, n'appelle-t-elle pas alors une dynamique d'apprentissages coopératifs ? C'est la voie pragmatiste qu'a mis en œuvre le NPA du Vaucluse.

     

     

     

    NPA Vaucluse : une logique pragmatiste novatrice dans « un chaos créateur »

     

     

     

    La création du NPA a constitué ce que j'ai appelé ailleurs « un chaos créateur » (voir « L'aventure "NPA" : un chaos créateur - Et comment "le mort saisit le vif" dans la gauche de la gauche », Mouvements.info, 12 décembre 2008) mettant en branle des itinéraires militants, culturels, intellectuels, etc. hétérogènes. Cela peut déboucher sur des écueils, des difficultés, des ratés, mais aussi une certaine capacité d'innovations dans le rapport avec les souffrances et les imaginaires émergeant de notre société. Avec l'audace d'avoir présenté Ilham Moussaïd aux élections régionales, le NPA du Vaucluse apparaît aux avant-postes de la créativité politique.

     

     

     

    On est proche de ce qu'on appelle en philosophie le pragmatisme, avec tout particulièrement les apports de l'Américain John Dewey (voir notamment son ouvrage Le public et ses problèmes, 1ère éd. américaine 1927, trad. franç., Publications de l'Université de Pau/Farrago/Éditions Léo Scheer, 2003). Pas grand-chose à voir avec ce que l'on appelle « pragmatisme » en un sens courant, c'est-à-dire une recherche de l'efficacité pour l'efficacité. Dewey était un démocrate radical, qui avait une vue expérimentale de la politique émancipatrice. L'exploration d'un monde commun appelait expériences pratiques, tâtonnements, essais-erreurs, rectifications...Philippe Pignarre a récemment relancé cette inspiration dans son livre Etre anticapitaliste aujourd'hui - Comprendre le NPA (La Découverte, 2009 ; voir des extraits sur Contretemps web), afin de dessiner une association de radicalité anticapitaliste et de pragmatisme pour le NPA. La sociologue et militante libertaire Irène Pereira s'est inscrite dans une voie analogue, mais à partir principalement de la tradition anarchiste (dans Peut-on être radical et pragmatique ?, Textuel, collection « Petite Encyclopédie Critique », février 2010).

     

     

     

    Le cas du NPA Vaucluse me semble exemplaire de ce point de vue. Ainsi, à travers la mobilisation contre les massacres à Gaza, Ilham Moussaïd a noué des liens avec les militants anticapitalistes (voir Hendrik Davi, militant du NPA à Avignon, « Une candidate anticapitaliste portant le voile ! Et pourquoi pas ! », Mediapart, 3 février 2010), puis s'est inscrite dans le collectif militant NPA et y a pris progressivement des responsabilités. Les conceptions des uns et des autres de l'anticapitalisme, du féminisme, de l'antiracisme, de l'internationalisme et de la laïcité ont pu se confronter, s'ajuster, s'éclaircir, se déplacer mutuellement dans une dynamique faite de pratiques communes, de débats, d'apprentissages et de vivre ensemble.

     

     

     

    On est vraiment loin du manichéisme, du conspirationnisme et de l'électoralisme des gauches bien pensantes !

     

     

     

    Quand les émancipateurs crachent sur l'individualité

     

     

     

    Quand on parle d'émancipation, ne vise-t-on pas l'émancipation individuelle et collective ? Si en tout cas on suit Marx et Engels, plus individualistes que les lectures exclusivement collectivistes qui ont souvent été faites de leurs écrits. Ils écrivent ainsi dans Le Manifeste communiste (1848) : « L'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses conflits de classes, fait place à une association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous. » Marx reconnaissait ainsi la place éminente de l'individualité de chacun, en tant qu'unicité, singularité, dans une perspective émancipatrice.

     

     

     

    Or nos gauches bien-pensantes ne se sentent pas tellement gênées pour cracher à répétition sur l'individualité d'Ilham Moussaïd. Pour elles, Ilham Moussaïd ne renvoie pas une personnalité unique, métissée de différents traits et expériences (sur le métissage propre aux identités singulières, voir mon texte « De nos identités métisses », Le Zèbre, novembre 2008), mais est réduite à un objet (en tant que « femme objet » ?), un foulard. On piétine, on méprise, on caricature, on essentialiste, sans vergogne. Au nom de l'émancipation, on écrase l'émancipation.

     

     

     

    De la question religieuse à une question sociale élargie

     

     

     

    Un NPA du côté de la nuance, du pragmatisme, de la complication, de l'individualité, sans pour autant émousser sa radicalité anticapitaliste. Des gauches bien pensantes du côté du manichéisme et du conspirationnisme. Pourquoi ?

     

     

     

    Le débat sarkozyste sur « l'identité nationale », récupérant de manière soft des thèmes ethnicisants longtemps portés par le FN (voir mon analyse dans « Du dégoût vis-à-vis du sarkozysme et des réponses politiques », Mediapart, 17 décembre 2009), est passé par là. Les gauches ont courageusement récusé ce débat, à cause de ses relents islamophobes trop apparents. Mais, dans un télescopage avec une bonne conscience laïque et féministe, ne surfent-elles pas maintenant de manière électoraliste sur des peurs vis-à-vis de l'islam qui travaillent certains secteurs de notre société ? C'est en tout cas une question que l'on peut poser aux Aubry, Filippetti, Jospin, Buffet, Laurent et autres Mélenchon. Après les promesses envolées de l'après-1981, après les attentes déçues des Marches pour l'égalité de 1983 et 1984, après la poursuite de la marginalisation sociale des banlieues populaires et l'approfondissement des discriminations, de quel droit ces gauches de gouvernement donnent-elles des leçons à Ilham Moussaïd ? Si arrogants à l'égard de cette jeune femme, sont-ils bien certains que ce ne sont pas aussi des bouts d'inconscient colonial mal digérés qui lui demandent ainsi de montrer patte blanche ?

     

     

     

    Toutefois la critique nécessaire du climat islamophobe et de ses effets mal maîtrisés jusque dans les gauches ne doit surtout pas nous conduire à faire de la question religieuse le cœur du débat public. C'est d'ailleurs Ilham Moussaïd qui le demande elle-même, en ne faisant de son foulard qu'un des traits de sa personnalité, et non pas l'axe de son combat politique. Il faudrait même déplacer le débat politique des questions ethnico-religieuses, dans lesquelles tente de nous enfermer le sarkozysme, à la question sociale. Mais pas une question sociale réduite à la seule contradiction capital/travail. Une question sociale élargie à la diversité des dominations et des discriminations : discriminations sexistes, discriminations racistes et postcoloniales affectant systématiquement et structurellement les personnes immigrées et issues de l'immigration, discriminations homophobes, etc., en interaction avec les mécanismes d'exploitation capitaliste et impérialiste, mais non réductibles à ces mécanismes.

     

     

     

    Des risques à venir pour le NPA ?

     

     

     

    Malgré le pragmatisme du NPA 84, la situation n'est pas sans risques pour le NPA en général suite à cet événement. Car son Comité exécutif national a annoncé, dans une déclaration du 8 février 2010, que son prochain Congrès se saisirait du débat « Religion et émancipations ». Selon quelles modalités ? On ne le sait pas encore. Mais il pourrait y avoir un danger à trancher prématurément et définitivement ce type de débat au niveau national, en rupture avec le pragmatisme rencontré dans le Vaucluse. Pourquoi ne pas laisser les comités et les fédérations du NPA expérimenter pratiquement ce type de questions, là où elles se posent, dans le rapport avec des pratiques militantes et des collectifs militants ? Pourquoi trancher, en général, en avivant les passions, dans un espace où les préjugés et les méconnaissances seront moins contenus par des expériences vécues dans la sociabilité militante ? Pourquoi continuer à concevoir la politique radicale dans le vocabulaire traditionnel de « l'unité », de « l'unification » et de « la centralisation » ? Il faudrait poser autrement la question du rapport entre le pluriel et le commun, en cherchant par exemple du côté de la philosophie politique d'Hannah Arendt (dans son livre Qu'est-ce que la politique ?, manuscrits de1950 à 1959, publication posthume), où la politique consiste à créer un espace commun en partant de la pluralité humaine, sans écraser cette pluralité au nom de l'Un (risque totalitaire). C'est déjà présent à titre d'amorce dans le vocabulaire des « convergences », des « coordinations » et des « coopérations » utilisé dans la galaxie altermondialiste (voir mon texte « Esquisse d'une méthodologie altermondialiste pour l'émancipation au XXIème siècle », Mediapart, 30 novembre 2009).

     

     

     

    Ce n'est qu'un début, continuons la radicalité pragmatiste...En attendant, souhaitons une patience radicale à Ilham !

     

     

     

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    Pour en savoir plus :

     

     

     

    - Entretiens (télé et radio) d'Ilham Moussaïd

     

     

     

    - Ilham Moussaïd et Julien Salingue: « Avec ou sans foulard, nous sommes d'abord laïcs », Rue 89, 11 février 2010

     

     

     

    - Communiqué du NPA 84 du 3 février 2010 : « A propos de la candidature d'une femme portant un voile en PACA »

     

     

     

    - Communiqué d'une minorité de membres du NPA Vaucluse à propos de la candidate portant le voile, 3 février 2010

     

     

     

    - Liste des candidats vauclusiens du NPA aux élections régionales en PACA, 7 février 2010

     

     

     

    - Déclaration du Comité exécutif national du NPA (8 février 2010)

     

     

     

    - Hendrik Davi (militant NPA Avignon) : « Une candidate anticapitaliste portant le voile ! Et pourquoi pas ! », Mediapart, 3 février 2010

     

     

     

    - Philippe Marlière (politiste à Londres, ancien membre du PS et militant du NPA) : « Voile et NPA : "Cher Jean-Luc Mélenchon, tu dérapes !" », Rue 89, 4 février 2010

     

     

     

    - « L'insoluble contradiction du voile anticapitaliste », enquête de Stéphane Alliès, Mediapart, 4 février 2010

     

     

     

    - Stéphane Lavignotte (pasteur écolo-libertaire) : « Le NPA et le voile : la contradiction de quel côté ? », Mediapart, 5 février 2010

     

     

     

    - « Soutien large à la candidature d'Ilham », 5 février 2010

     

     

     

    - Pierre Haski (directeur de la publication de Rue 89) : « Et si la candidate au foulard était une bonne nouvelle ? », Rue 89, 9 février 2010

     

     

     

    - Sadri Khiari (Mouvement des Indigènes de la République) : « Foutez donc la paix à d'Ilham Moussaïd ! », 10 février 2010


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  • 3 commentaires
  • Interview de Camille de Casabianca, réalisatrice du film sur la naissance du NPA...

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    Est-ce que ton film « C'est parti! » qui sort le 10 février,  se range dans la case documentaire, ou bien est ce que ton film est un véritable ovni cinématographique ?

    « C'est parti » est un film que j'ai concu pour le cinéma. C'est l'histoire d'hommes et de femmes sympathiques qui ont un but: celui de construire ce parti. Ils ont un an pour y arriver. Ils ont des embûches, ils ont des problèmes, ils ont aussi des bonnes surprises, donc cela se raconte comme une histoire, sans interview. Donc finalement ces personnes, qui sont réelles, deviennent les personnages du film. En faisant ce film, ce que je souhaitais, c'est intéresser le public, un public plus large que les militants, même si je pense que cela les amusera eux aussi. 

    Lorsque tu as pris la décision de filmer le processus constituant du Nouveau Parti Anticapitaliste,  vers qui t'es tu tournée, et as-tu rencontré des difficultés pour faire accepter ton projet ?

    A partir du moment où on m'a laissé  tourner, j'ai eu une confiance absolue et ça je dois dire que c'était bien. J'ai eu aussi un échange avec Olivier, qui ne souhaitait pas être au centre du film. On s'est mis d'accord, il était évident qu'il ne serait pas au centre du film, mais il était aussi évident  que c'était un des personnages importants de la création du NPA.. 

    A travers « C'est parti ! » on rencontre un certain nombre de militantes et de militants, quels personnages de ce film t-ont le plus touché et pourquoi ?

    Tout le monde m'a touché, parce que c'est un film humain. Pour moi c'est un film romantique parce qu' on a cette idée de lutter pour cette société d'émancipation et d'égalité. Tous les gens dans le film partagent ça et je le partage avec eux. C'est vrai que pour moi qui suis cinéaste, il y avait des personnages... Par exemple François Sabado c'est un peu Raimu, pour ceux qui connaissent les vieux films français... Olivier c'est un peu le jeune acteur, comme les acteurs américains... Il y avait Anne Leclerc qui pourrait être Anna Magnani... Il y a Abdel d'Avignon, le p'tit mec rigolo qui a la tchatche, qui a de l'humour... Donc c'est devenu des personnages pour moi.  

    Dans les années 80, tu as rejoint les comités rouges, quels souvenirs gardes-tu de cette époque et de tes années de militantisme ?

    L'époque était différente, on pensait qu'on allait faire la révolution assez vite. On devait être un certain nombre à pénétrer l'appareil d'état, aux télécoms, au ministère de l'Intérieur pour, le soir de la révolution, être aux manettes. On avait cette idée là, dans la tête, de la prise du pouvoir. J'ai commencé à avoir des doutes sur l'imminence de la révolution. J'ai demandé à aller en Californie, à l'université de Berkeley. Quand j'ai vu la classe ouvrière californienne, je me suis dit c'est peut etre pas pour tout de suite... Donc effectivement j'ai cessé de militer à la LCR mais je ne suis pas allée à la soupe et j'ai choisi une autre voie qui est celle du cinéma et qui est celle qui me permet de continuer à rêver. 

    N'as tu pas aujourd'hui l'envie de rejoindre les militants du NPA ?

    C'est vrai que c'est une question que les gens me posent, mais il était clair que pour moi c'est un regard, c'est le contraire d'un film militant. C'est ce film que je propose, maintenant l'avenir, je ne sais pas, demain, de quoi il sera fait ! Mais pour l'instant, moi, je fais mon travail de cinéaste ! Je dis aux militants qui s'attendraient à voir le programme du NPA dans le film qu'il n'y est pas ! C'est juste un film sur ce que c'est d'être militant aujourd'hui.  

    Lors du grand nettoyage des locaux du parti, entre une porte qui vole et les oeuvres complètes de Lénine en passe de finir dans la benne, on découvre à travers ta caméra des militants partagés entre l'envie de se débarasser d'un passé bien encombrant et celle de conserver de précieux morceaux d'histoire.  Quel regard portes-tu sur ces images ?

    Ce qui m'a intéressé dans ce film, c'est qu'en fait il y a une transmission entre les générations. Il y a les anciens, il y a les jeunes. Dans les partis en général, quand les jeunes arrivent, c'est un putsch, les vieux s'accrochent absoluement, mais là c'est assez joli, en fait c'est visuel parce qu'on voit que ce n'est pas la même génération. On voit d'ailleurs Daniel Bensaïd, que tout le monde aimait beaucoup... Quand il est mort, les journalistes m'ont appelé pour me demander si je n' avais pas un extrait à mettre sur internet, et je me suis appercue qu'en fait dans le film si on le voit deux fois vraiment longuement, on le voit plein de fois. Sa présence imprègne tout le film. 

    Tu expliques que tu as filmé  « ce processus de transformation, un peu comme une physicienne observe un corps passer d’un état à l’autre, solide à liquide. », penses-tu qu'aujourd'hui, notre construction est belle et bien achevée ?

    Ah non pas du tout! Là c'est le début, on sent qu'il y a une dynamique dans cette création du NPA qui est extremement positive, c'est comme le début d'une histoire d'amour, c'est merveilleux mais peut etre qu'après ce sera la chienlit on sait pas mais au début, ya ce coté positif dans le film. Ce film montre la naissance d'un parti.

    Propos recueillis par Linda...


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  • Face à un système capitaliste mondial qui enrichit 20% de personnes au détriment des 80% autres, qui maintient un tiers de la population sous le seuil de pauvreté et qui ne permet pas à un quart de la planète d'accéder à l'eau potable,
    Face à un système capitaliste mondial qui met en péril l'équilibre de la planète; l'augmentation de la température, la fonte des glaces, la disparition de nos espèces animales, végétales, minérales et qui épuise nos ressources minières, forestières, énergétiques,
    Nous devons réagir et inventer tous et toutes un autre système où les enfants étudieraient au lieu de travailler, où les employées ne se suicideraient pas à cause de la pression des patrons, où des personnes ne dormirait pas dehors alors qu'il y a des milliers d'appartements, d'immeubles vides, où l'argent ne serait pas roi.

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    C'est dans cette optique que je me suis engagée au NPA et que je présente ma candidature sur la liste des régionales.

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    La gratuité des transports publics, la formation des jeunes, la récupération des subventions publiques accordées aux entreprises qui licencient alors qu'elles font des bénéfices, le développement du tissu associatif et non du clientélisme, la création d'emplois, de logements, autant de sujets qui me tiennent à cœur et qui fondent mon engagement.

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    Née à Avignon, âgée de 21 ans, militante féministe, internationaliste et anticapitaliste, je lutte contre les discriminations, le racisme dans les quartiers populaires, contre l'apartheid et l'injustice en Palestine, j'espère apporter à Avignon, au Vaucluse et à la région ma pierre pour un nouvel ordre dominant, la liberté, la paix, la justice, le respect, la tolérance et la fraternité.

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    Ilham Moussaid.

     

    Tribune d'Annick Berthelot

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    Féministe, engagée de longue date dans les quartiers populaires,  je tiens à intervenir et prendre part au débat dans la polémique suscitée par la presse de droite autour de la candidature d'Ilham Moussaïd, quatrième sur la liste régionale NPA en Vaucluse

     

    afin d'éclairer une position sur cette  question éminemment politique....!

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    Personne, à cette heure, dans la version NPA du foulard... ne détient de vérité visionnaire quant aux enjeux soulevés par des candidatures allant d'une camarade identifiée par le port d'un foulard jusqu'à celle suggérée d'un candidat pouvant représenter la population carcérale...
    .

     

    Dans le paysage de la gauche anticapitaliste, le NPA représente un espace de construction politique qui dans sa volonté et sa capacité  d'élargissement pour exister comme un véritable parti populaire tente de s'inscrire par-delà les frontières partisanes, les appartenances à des
    croyances sans rogner sur les valeurs de laïcité favorisant l'ouverture au pluralisme... et sans, pour autant, négliger tout l'intérêt sur le long terme des positions matérialistes et athées aux fondements d'une partie des déconstructions révolutionnaires de notre société capitaliste, libérale et répressive que nous subissons tous... (quelles que soient nos positions sociales et, plus ou moins violemment, selon l'endroit où elles nous place sur l'échiquier de l'exclusion sociale...

     

    .

     

    Le pari du NPA, il faut bien l'admettre, dans un climat ultra xénophobe et liberticide encadré et alimenté par le débat vichyste sur l'identité nationale, est non seulement un défi total mais surtout une arme de résistance politique à l'intolérance, au racisme, au sexisme, à la répression, à la privation des droits, à l'exclusion et contre les expulsions du territoire.
    .

     

    Sortir par le haut d'une série de faux-débats qui traversent nos sociétés dans cette actualité politique tragique par ses relents nauséabonds impose d'acter en conséquence la complexité du débat de fond qui doit rassembler dans l'anticapitalisme sans faire l'impasse sur les débats 
    idéologiquement nuancés qui divisent et entravent conséquemment une lisibilité politique dont les puissances médiatiques au service de la pensée unique auraient tort de ne pas s'emparer en vertu de leur objectif d'enfermement des esprits.

     

    .

     

    L'urgence à mener le débat est imposée par la droite sarkozyste via le Figaro, certes... et, il s'agit pour ce, d'être en mesure de combattre avec vigueur et pédagogie l'effet des représentations mentales collectives et résister à l'impact médiatique sur les mentalités.
    .

     

    Dans un tel contexte, tout est en place pour rendre le débat sur la laïcité confus afin d'empêcher de mener sereinement le débat qui s'impose il est, cependant, déterminant de le tenir de bas en haut et transversalement sans perdre de vue les enjeux politiques majeurs du moment qui peuvent rassembler, toutes tendances confondues, pour construire un projet socialiste révolutionnaire... dans lequel l'émancipation de toutes et tous ne sera pas un vain mot soumis à de probables récupérations...
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    L'actualité politique et ses effets médiatiques redoutables convoque la gauche anticapitaliste à un point d'orgue... dans un croisement extrêmement productif de nos sensibilités politiques que nous ne pouvons évidemment négliger mais surtout qui doit conduire à élaborer une
    pensée politique fédératrice spécifique en se démarquant clairement de toutes les dérives dans lesquelles d'aucuns auraient trop de jouissance à voir tomber la gauche anticapitaliste... il faut en mesurer les risques politiques !

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    J'en appelle au sursaut des consciences militantes de toute la gauche anticapitaliste pour engager les discussions transversalement et porter le débat sur la laïcité, le féminisme et les questions identitaires afin qu'une position nationale puisse s'élaborer, hors des clivages idéologiques, sur des fondements anticapitalistes ouverts et fédérateurs d'avenir politique.
     
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    Pour ma part, je tiens à préciser, ici, mon soutien entier à la candidature d'Ilham mais aussi mon choix de ne pas signer les pétitions de soutien qui pourraient circuler,  celles-ci risquant d'enfermer les militants de la gauche anticapitaliste dans des dérives récupératrices dont les effets seraient extrêmement contre-productifs pour les campagnes à mener et extrêmement déstabilisants pour les candidatEs devant tenir des meetings de campagne...!
     
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    Annick Berthelot

     

     


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  • Déclaration du Comité exécutif national du NPA (8 février 2010)

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    1/ En même temps que le gouvernement approfondit sa politique antisociale, multiplie les expulsions de sans papiers, le pouvoir cible le NPA dans le cadre du débat sur l'identité nationale.

    Le NPA est confronté à une campagne médiatico-politique autour d'une de ses 2000 candidat-e-s aux régionales, Ilham Moussaid, qui porte un foulard, quatrième de la liste NPA - Alternatifs du Vaucluse (PACA) dont la tête de liste départementale est Jacques Hauyé.

    Contrairement à ce que certains ont laissé entendre, il ne s'agit en rien d'un « coup politique et médiatique » orchestré par la direction du NPA mais bien une décision prise dans le Vaucluse. Une minorité de membres du NPA de ce département s'y est opposée. La décision prise par les camarades du Vaucluse ne peut faire office de position pour l'ensemble du NPA, puisqu'il n'a pu en discuter avant à quelque niveau que ce soit.

    2/ Notre camarade Ilham Moussaid est membre du NPA et, à ce titre, peut postuler à la candidature au même titre que les autres membres de notre parti. Une majorité de camarades du Vaucluse a décidé d'acter cette candidature. Quoi que l'on pense de cette décision, celle-ci est statutaire. Nous assurons la liste NPA-Alternatifs, l'ensemble des ses candidates et candidats, de notre solidarité dans ce moment difficile.

    3/ Ilham porte un foulard (et pas une burqa comme on a pu l'entendre ou le lire). Elle n'y voit pas de contradiction avec les principes fondateurs dont la dimension féministe et laïque constitue une des clés de voûte et affirme son attachement à ces valeurs ainsi qu’à l’ensemble des principes fondateurs du NPA.

    Le foulard est non seulement un symbole religieux visible mais il est également un instrument de soumission des femmes utilisé sous diverses formes et à diverses époques par les trois monothéismes même si Ilham ne le vit pas comme tel et elle n'est pas la seule dans la société.

    4/ L'annonce de la candidature d'Ilham Moussaid a suscité de nombreuses réactions. Toutes ne sont pas de la même nature. Les critiques et désaccords formulés, à l'intérieur du NPA ou par des mouvements ou des militante-s du mouvement social et du mouvement féministe sont autant d'arguments qui alimentent la discussion et le débat va continuer.

    En revanche, nous dénonçons le flot haineux et hypocrite provenant de l'extrême droite, de l'UMP, ou du PS voire du PG et du PCF. On les entend moins quand le Président de la République se jette dans les bras du pape, se signe de la croix en public en voyage officiel, ou quand Boutin brandit la Bible à l'Assemblée. Les partis institutionnels financent par millions les lycées privés confessionnels, notamment catholiques. Quant au PCF, il ferait mieux d'être plus prudent, lui qui, aux côtés du PS, a accepté sur ses listes une candidate qui portait le foulard pendant la campagne et continue de le porter au sein du conseil municipal d'Echirolles (38) où elle siège.

    5/ Au sein du NPA, le CE confirme que le débat sur « religion et émancipations », prévu avant cette campagne politico médiatique, aura lieu. Le débat interne qui nous traverse est un débat public. La décision prise dans le Vaucluse ne crée aucune « jurisprudence » en la matière. Le congrès du NPA est souverain.

    6/ L'heure est d'abord et avant tout à la campagne derrière les listes que nous présentons ou soutenons, une campagne pour faire entendre notre véritable spécificité, celle d'une gauche anticapitaliste, antiraciste, écologiste, internationaliste, féministe, qui a toujours été solidaire des femmes qui résistent à ceux qui veulent leur imposer le voile.


    Adopté à l'unanimité des présent-e-s, moins une abstention, le 8 février 2010


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