• Les enjeux du « novembre chaud » de Nicolas Sarkozy

    Les enjeux du « novembre chaud » de Nicolas Sarkozy

    François Calaret

    La décision de sept organisations syndicales d'appeler à une grève reconductible par tranche de 24 heures, contre la réforme des régimes spéciaux ouvre une nouvelle étape de confrontation avec le projet sarkozyen. Les syndicats d'EDF et GDF appellent eux à une journée d'action pour le 14 novembre. Les salariés de la fonction publique manifesteront eux le 20 novembre contre les suppressions de poste et pour une revalorisation des salaires. Ils seront également rejoints par le syndicat étudiant UNEF.

    L'enjeu pour le pouvoir sarkozyen

    Le bras de fer qui est engagé en particulier sur la question des régimes spéciaux sera déterminant pour l'avenir du nouveau pouvoir présidentiel. Si le gouvernement cède sur cette question, les prochaines années du mandat présidentiel seront marquées par cette défaite. D'où la détermination du gouvernement et de Nicolas Sarkozy à faire aboutir cette réforme même s'il faut en payer un prix politique important, et ainsi faire la démonstration qu'il a la capacité de résister à la « pression de la rue ».
    Pour tout un secteur de la droite, des élites financières et économiques, ce conflit représente également une véritable « revanche » pour démontrer que « novembre-décembre 1995, c'est fini » (cf. Alain Gérard Slama « Grèves : nous ne sommes plus en 1995 » dans Le Figaro du Lundi 29 octobre). Partis politiques, médias, lobbys se mobilisent pour mener une véritable campagne d'isolement des salariés de la SNCF. Sarkozy est le premier à organiser la mobilisation. Il a convoqué la direction de l'UMP pour mettre les militants dans la rue, distribuer des tracts, faire signer des pétitions... La visite qu'il a faite au dépôt de la SNCF de Saint Denis ne visait pas tant à convaincre les cheminots qu'il a rencontré mais plutôt à montrer à l'ensemble de la population qu'il était déterminé à mener le débat physiquement avec les salariés, qu'il s'engageait personnellement dans cette affaire. Les pseudo-associations de « défense des usagers », vont très certainement réapparaître dans les médias dans les prochains jours. L'idée d'une manifestation des usagers contre la grève commence déjà à être envisagée. La campagne agressive contre les salariés d'Air France en grève pour des augmentations de salaire n'a été qu'un avant goût de ce qui nous attend.

    Les obstacles à surmonter

    Pour faire face à cette situation, tous ceux qui se situent du côté des salariés et de leurs organisations syndicales en lutte contre les contre-réformes libérales, doivent relever trois défis majeurs :
    − L'absence de mobilisation des salariés du privée. À l'exception de certaines entreprises ou de certaines régions, visibles dans les manifestations du 18 octobre dernier. Il n'existe pas pour l'instant de mobilisations significatives du secteur privé. Et aucune journée d'action n'est prévue dans les prochaines semaines. Il est évidemment illusoire d'imaginer que les salariés du privée se mobilisent pour défendre les régimes spéciaux. Mais la question du passage de 40 ans à 41 ans de cotisations, posée par le rapport de la Commission de garantie des retraites est un levier réel pour montrer que la réforme des régimes spéciaux provoquera une dégradation des conditions de vie de l'ensemble des salariés. « Non aux 41 ans de cotisations » peut permettre de faire le lien avec ce qui touche la majorité des salariés et donner une légitimité supplémentaire à la bataille des cheminots et de poser le problème d'un retour aux 37,5 annuités de cotisations pour tous, public et privé.
    − Le deuxième enjeu décisif est de gagner la « bataille de l'opinion » et d'enfoncer le dispositif que le gouvernement a mis en place. Gagner un soutien majoritaire dans la population est une question cruciale pour renforcer et encourager la détermination et la confiance des cheminots à poursuivre dans la durée un mouvement reconductible. Cela va être un des leviers principaux du gouvernement pour chercher à isoler les secteurs mobilisés.
    − Enfin la construction des convergences entre secteurs mobilisés peut être un levier décisif pour légitimer les révoltes antilibérales. Car cela démontre qu'il ne s'agit pas seulement de la défense des intérêts d'une catégorie de salarié mais d'un véritable « enjeu de société ».
    Ces défis sont des batailles à mener pour briser la détermination du gouvernement, l'isoler, créer des contradictions et des fractures au sein même de ses propres soutiens à droite. La crainte d'une crise politique prolongée peut ressurgir dans les milieux patronaux à un moment où la situation économique se dégrade. C'est l'enjeu des prochaines semaines.

    Les pas en avant possibles pour une alternative politique

    La bataille qui s'engage souligne également avec plus de force la carence d'une véritable force politique qui encourage et renforce le combat des secteurs en lutte. Le Parti Socialiste, après son « Oui » au mini-traité européen, se contente de reprocher à Sarkozy de provoquer les conflits sociaux. Benoit Hamon dans un point presse déclare ainsi que Nicolas Sarkozy doit « changer de stratégie face à un conflit qui peut faire mal aux Français » sans appuyer en aucune manière les revendications des syndicats.
    En l'absence de toute réelle opposition politique, il y a urgence à faire entendre une voix commune à la gauche antilibérale, celle qui s'oppose réellement à Nicolas Sarkozy, qui soit capable de polariser le débat en opposition aux projets du gouvernement. Toutes les initiatives concrètes (prise de position commune, meetings communs en soutien aux grévistes...) seraient des pas en avant qui permettent de développer le dialogue entre forces politiques et les secteurs mobilisés.
    Car ces expériences de confrontation vont également contribuer à faire mûrir parmi les secteurs mobilisés, les acteurs du mouvement social, mais également au-delà, la nécessité de construire une véritable alternative politique pour faire face au projet sarkozyen. L'initiative de débat organisée par « Maintenant à Gauche » (www.maintenantagauche.org) le 24 novembre prochain sera une illustration des initiatives à prendre pour permettre de rouvrir le débat sur la nécessaire alternative à construire


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