• Michel Husson, économiste, membre du Comité scientifique d'Attac et de la Fondation Copernic,

     nous livre « les clés » de la rentrée de septembre. Une rentrée de classes...

     

     

     

     

    La rentrée sera compliquée pour le gouvernement. Il y a le dossier Woerth, décidément difficile à enterrer, la« réforme » des retraites et les ripostes à la « pétainisation » qui a franchi un nouveau pas cet été. Et puis, par-dessus tout cela, plane la discussion sur le budget et la dette. La vraie question qui se pose au fond est de savoir qui va payer la crise. Tout est lié en effet : Woerth illustre l'enchâssement du gouvernement dans la défense d'étroits intérêts sociaux. L'affirmation d'une sorte de racisme d'Etat cherche, de manière très classique, à détourner l'attention vers les boucs émissaires désignés. Quant aux retraités, le rognage de leurs pensions est destiné à réduire le déficit et rassurer les marchés financiers.

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    Dans ce contexte, il va falloir à nouveau se farcir le discours habituel sur la dette : la France vivait déjà au-dessus de ses moyens avant la crise et celle-ci, en creusant encore le déficit, rend décidément nécessaires de rigoureuses économies. Il va donc falloir, à nouveau, se convaincre que tout cela est un tissu de scandaleux mensonges (1). Ce serait pourtant la moindre des choses - si l'on veut poser un diagnostic rigoureux - que de se poser la question à 1500 milliards d'euros : les déficits étaient-ils dus à un excès de dépenses ou à un ralentissement des recettes ? Or, à y regarder de près, la réponse saute aux yeux : les déficits cumulés correspondent aux cadeaux fiscaux dont ont bénéficié depuis plusieurs années les entreprises et les ménages les plus favorisés. C'est donc une politique de classe qui a conduit à s'endetter auprès de ceux à qui on a décidé sciemment de faire payer moins d'impôts (par exemple à L'Oréal et à Liliane Bettencourt). Plusieurs rapports récents fournissent les éléments pour dresser ce bilan et ont fait= l'objet d'une remarquable synthèse de Laurent Mauduit pour Mediapart (2).

     

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    Ce constat permet d'éliminer trois idées fausses. A commencer par le discours larmoyant et hypocrite sur « la dette que nous laissons à nos enfants ». Mais ce ne sont pas nos enfants qui paient, aujourd'hui, les intérêts de la dette publique : c'est l'ensemble des citoyens. Et le fils d'une famille aisée héritera, sous forme de Bons du Trésor, de la rente d'Etat offerte à ses géniteurs. Ce n'est donc pas un problème de génération, mais de redistribution de la richesse. Deuxième idée fausse à relativiser : le poids de la crise. Bien sûr, une récession creuse mécaniquement le déficit (mêmes dépenses pour moins de recettes) mais la crise a bon dos. Mauduit souligne que « la France serait, malgré la crise, presque dans les clous de Maastricht, ou peut-être même totalement, si ces baisses d'impôts inconsidérées n'étaient pas intervenues ». Le déficit pour 2010, selon le rapport Carrez, ne serait en effet que de 1,8 %.

     

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    Dernière fausse piste à éviter : faire de la « monétisation » la solution tout terrain à la dette. Il suffirait de permettre à la Banque de France de couvrir le déficit par émission monétaire. Un peu d'inflation vaut mieux que de s'endetter. Peut-être, mais c'est prendre pour acquis le déficit existant et les baisses d'impôt qui en sont la cause. C'est pourquoi l'alternative à mettre en avant doit viser à revenir sur les énormes cadeaux fiscaux accordés par les gouvernements successifs depuis de longues années. Et donc à refuser les coupes anti-sociales que le gouvernement est en train de concocter : c'est bien l'un des enjeux majeurs de cette rentrée.

     

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    Reste une question, celle des 1500 milliards de dette, dont il faut servir les intérêts à ses détenteurs, en majorité des non-résidents. Dénoncer cette dette, en tout ou partie, équivaut à un bras de fer avec les privilégiés de France et les « marchés financiers » du reste du monde. Il faut donc un rapport de forces considérable pour envisager une telle issue, ou bien une situation de crise extrême comme dans le cas de l'Argentine. Une solution intermédiaire consisterait à reprendre d'une main, sous forme fiscale, ce que l'on verse de l'autre en intérêts et à proposer l'extension à l'échelle européenne d'une telle mesure qui reviendrait à faire payer la crise à ses responsables.

     

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    (1) voir « Sur la question de la dette », note hussonet n°4, http://hussonet.free.fr/husso4.pdf

     

    (2), « Ces dix années de cadeaux fiscaux qui ont ruiné la France », http://gesd.free.fr/maudufin.pdf


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